Peau – pOp – popperS (extraits)


Faut sentir là ce que ça fait au creux du cou l’odeur. L’identité entière. La pleine reconnaissance.
Faut sentir là ce que ça fait au creux du cou cette évidence. La nette impression de S’ATOMISER à mesure que je m’occupe.
De toi. Le poumon baigné et la brume – ! – abêtissante. Faut sentir ça : toi qui s’échappes en particules toi :
qui se disperses pour me prendre : le nez la bouche la gorge ; la mutation diffuse, la prolongation de mon être d’une matière de plus.

Prête-moi ta perruque – allez – ! que je passe mes bras dans tes manches, que je passe mes jambes dans ta jupe et
l’éblouissement. De me voir ainsi recouvert, myope et vulveux à l’entrejambe, emmitouflé dans l’être et blond non pas :
béant, mais : disponible. Rendu à la force, revenu au limon roux, à l’origine des narines – immobile fixées dans la
respiration. Blanches de n’être plus : que trous propices à l’existence – et la bouche grande ouverte à la vie,

happant ce qui peut se happer, ne laissant rien, au point que mon corps sur le lit se fasse kyste ou se fasse outre,
se fasse immeuble et planète moi, qui passant la gueule dans le creux brandi, n’étais alors qu’animalcule,
fœtus bandé s’accrochant à sa mère – ce chapelet de peaux : brinquebalant sur ton buste.

Donne-moi tes. Mains que je te touche, donne ta bouche et je. M’embrasse. Et quand tes cheveux se mettront à pousser sur
mon crâne je saurai. Qu’il me faut débarquer au port de l’être-là. Sous la treille adipeuse, je m’échine et m’escrime mais
j’aurai beau : me réduire au strict centimètre qu’octroie le vivre ; je ne pourrai jamais vraiment
faire en sorte
d’être
contenu1.



Ô toi ma gueuse, ma gouine, ma négresse bandée. Soror. Soror ! Soror ? Tes muscles, tes nerfs, ta peau ; ton haleine et ta panse
sur moi, gouine ma cavalière, ta besace prolongée. J’ai treize ans, tu en as trente. J’ai seize ans, tu en as cinquante. J’ai 
vingt ans, tu en as soixante. Et ta verge est vieille et s’émiette dans ma gorge. Je suis obèse sous toi petit. Ma chatte fait le tour 
de ta tête. J’ai tes testicules qui se confondent avec ma glotte ; et je porte ton pénis en pendentif, comme un tout petit christ

testiculaire. J’ai le syndrome de la mer morte : tu me marches sur le buste, ta laisse me tire la nuque je.
Pourrais vivre dans tes muqueuses. JE POURRAIS VIVRE : avec tes doigts toupies, avec ton nez truffier, avec ta bouche de truite, 
le viscère oculaire, l’organe rampant : je pourrais vivre ; et sur ta joue, comme un furoncle, je me ferais un cor de l’être.
Oh mais nous gagnerions à marcher comme ça dans les rues, à nous rendre aux repas dominicaux, avec mes genoux

sur la graisse des routes, les passants se penchant sur le bon petit chien : observent la procession penaude, 
démarche de pèlerin en cuir clouté, inévidence de mon urine sur les horodateurs ; et quand tu m’embrasseras,
d’entre les follicules blancs de tes mèches, devant les portes du collège, les assistants pédagogiques opineront de l’orteil ;

et je serai entre tou·tes la promise, tu me passeras la robe de bal. Tapoteras mes fesses pour les faire bouffer.
Rien ne sera jamais vraiment vierge de moi j’aurai. De mes atomes sommer la dispersion : tu les rallieras à ta vulve tu. 
T’en feras un boa bis, un cloaque de seconde main et je serai.
L’assistant surnuméraire – le magasinier dispensable ; l’agent inactif4



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1 Décule un peu mon cœur lentement que je sente
le coulissement, la glissade inversée de ta verge
fuchsia
®, descente en slow motion ;
hey, mes viscères débarrassés dans l’entre-soi de la matière

accostent aux plénitudes d’un vide qui me creuse et je sens en tout lieu
ta présence volontaire, ta bite en maillot et l’odeur
fruitée de tes selles que tu me déposes dans la paume,
au matin des jours redevenus légers j’aime – j’aime comme tu mens

pour me dire mes vérités, me redessiner les contours,
le corps fait d’une poussière si compacte qu’on jurerait des organes,
qu’on y verrait des membres et jusqu’

à la petite vulve de ma bouche, à la tension 
clitoridienne de ma langue, décule,
un peu, mon cœur – que je te sache – en te sentant –
SORTIR .

4 Hey mais chaque poème est une dystopie grammaticale ou une utopie c’est selon – linguistique – et le petit cortège
des phonèmes, LA GRANDE ZAD DES SONS, remplace le temps du vers le bon ordre bourgeois… et le lecteur habite
l’espace occupé de la strophe… la résidence autogérée… le t4 du sonnet… lui qui n’en finit pas de naître et de renaître,
nuit debout dans le texte, et tous les éborgnés dévissent des ampoules /l’atrophie des idéaux sous le pavé des dictionnaires/ !

Chaque poème est une république absente. Le comité des lettres vote toujours à paume baissée
/des décisions pour tout l’empire/, les échos dans la salle portent sans crainte le trop-plein des vitalités
et moi, modérateur de débats dont le son est ôté, même assis je me sens : traversé de pulsions /contraires/ ;
comme de me relever pour m’en aller courir les rues en quête de denrées, de produits, de première,

nécessité, tout plutôt que de rester arrimé au même, tout plutôt que pécher à la ligne le trait parfait,
la cohérence retrouvée, l’association et le décompte jusqu’à douze, la première
monographie de la lettre p,
      le roman du monde avec ses 26 personnages,

le beau squat aux fenêtres fêlées, le boomer des plosives qui s’intercalent
entre deux signifiants, les A.G. en mixité réduite, le frigo solidaire et ses 14
compartiments et puis merde les poèmes sont toujours                             des jardins partagés.