Notes sur la traduction


Ma langue d’usage est le français mais j’écris de la poésie en anglais. Ça amène mes idées à des endroits que je ne maîtrise pas toujours et transforme les images que j’invoque. Comme une langue altère anyway, mon anglais medium sert d’altérité express — de co-writer.

Quand il a été question de publier un recueil de mes poèmes, les éditions Burn~Août ont suggéré de rendre ces textes accessibles à un lectorat non-anglophone.
La question de la traduction vers le français, langue dans ma poche, ne pouvait se résoudre en une édition bilingue qui mettrait formellement les deux versions sur un pied d’égalité.

Dans ce livre, le passage au français est ainsi le résultat d’un dispositif particulier.
J’ai fait traduire chacun de mes poèmes par des amixes qui, n’étant ni professionnelxles, ni toujours très familièrxes de l’anglais, s’approprient les textes singulièrement.
Ces traductions ont toutes été réalisées à l’oral, vers par vers, en direct et ont fait l’objet de captations vidéos. Leur retranscription constitue la version française non-versifiée que vous lirez sous mes poèmes.
Comme des notes de bas de page, ces interprétations souvent approximatives sous-tendent une optionnelle sortie de texte, un sous-titrage, l’intimité d’une première approche, un secret de fabrication.

Je remercie Iris, Fanny, Sarah, Thomas, Juliette, Élise, Emma, Louise et Lucille de vous être renduxes vulnérables, fortxes, hot et tendres dans ces moments de traduction et dans nos amitiés — lesquelles parlent des langues glissantes et écrivent des poèmes sans mot.



HOW TO DRY

Grab a round water glass upside down
Stick three fingers in

my left palm hosts the wet bottom
in a red checkered rag

rotates back and forth
I press a bit inside
my thumb stays out and hold it tight
right
as it rotates

suddenly the three fingers inside
straight up together
The middle finger
dries small circles
the glass doesn’t move anymore

only the ghost-dressed fingertips
haunt the wet bottom
in the white and red rag

the edge is gently dried
sometimes what I think is mist inside
is just glue from an old sticker
outside

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Grab a wine glass

Pinch the foot but care the bulb
like you hold a wheel
it forms a heart to move your hands like that.

Pinch the foot, go down the leg
coat it — it’s safe
I’ve always loved being covered by a duvet during
sex absorbing wet, bringing it in.

We started one day to wash them twice
because the machine was half-functioning.
I  wash  by hand then I smell then wash  in the machine then smell again
                                                                                              then dry
Eventually I broke 16 of them
and  so many  times  I cut myself and put blood on the rag  that needs to
                                                                             stay perfectly clean.

I started to list every time having more money would have save me from
                                                                                        getting hurt

there is way more than 16 lines

in a palm —

Wrap your leg in the duvet
I put two fingers in the wine glass
I make my arm goes around carving it — it’s safer like
that I find it fine to let the bottom wet

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Grab a flute glass

I must accept to let the half bottom soaked
long fingers can dry them fine
piano
i’m not that used to champagne

— smsmsmsmsmqs —
when i try to type Q and M at the same time
from the thumb to the pinky on a letter keyboard —

unreachable and fragile
has for a while
been my half-empty cup of tea

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Grab a shot glass
just a dry pinch like a clumsy flirt
— check your breath —
Be certain
it won’t break

My boss gave me a box of small candies
There is a word written on each of them
I pick the first two
— no
— good
It’s called Tic Tac
melts fast
tastes like wasted time

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Grab a pint glass
I stick four fingers in,
first I know I can put more

— every night I give them five
when they arrive
one by one
they don’t need words and don’t want it
they ask for my fist to say hi and I give it to them —

A client enters the restaurant
My boss puts his hand on my shoulder and
— La banque — he says, smiling

I can’t get rid of his smile
that sticks on my face
scratch the bottom of a glass but realize it is mist
I stick my fist to the max
makes me feel I work on the other side

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After my time
stays this glass I don’t wash because it’s too late
the small round one that I fill with alcohol and give to the chef.
To find it sticky
gives the assurance to the morning ones
that yesterday ended.

I cross the street and have a beer in the bar.
I watch them wash glasses
the waitress smile sticks on my face
I can not check if it’s mist
everyone here likes me for free.















Comment sécher. Attrape un verre à eau rond la tête en bas. Fourre trois doigts à l’intérieur. Ma paume gauche héberge le fond humide dans un torchon à carreaux rouges. Fais-le tourner d’avant en arrière. J’appuie un peu à l’intérieur, mon pouce reste à l’extérieur et le tient bien serré, droit pendant qu’il tourne. Soudain les trois doigts à l’intérieur, tendus ensemble, le majeur sèche de petits cercles. Le verre ne bouge plus maintenant, seulement le bout des doigts déguisés en fantôme, qui hante le fond humide dans le torchon blanc et rouge. Les bords sont gentiment secs. Parfois ce que je pense être de la buée ce n’est que la colle d’une étiquette à l’extérieur.

Attrape un verre à vin. Pince le pied mais attention au bulbe, comme si vous teniez un volant. Ça forme un cœur de placer vos mains comme ça. Pince le pied, allez le long de la jambe. Attrapez-le, c’est sûr. J’ai toujours adoré être couverte d’une couette pendant le sexe, qui absorbe l’humidité et qui l’amène à l’intérieur. On a commencé un jour à les laver deux fois parce que la machine fonctionnait qu’à moitié. Je les lave à la main puis je les sens puis je les lave à la machine et je les sens encore puis je les sèche. Il m’est arrivé d’en casser seize et combien de fois je me suis coupée et j’ai mis du sang sur le torchon qui doit pourtant rester parfaitement propre. J’ai commencé à lister toutes les choses que le fait d’avoir plus d’argent m’auraient empêchée de souffrir. Il y a beaucoup plus que seize lignes dans une paume. Enroule tes jambes dans la couette. Mets deux doigts dans le verre à vin. Je mets mes bras autour, qui le creusent, c’est beaucoup plus sécur comme ça. Le bord est gentiment sec.
Attrape une flûte. Je dois accepter de laisser la moitié basse humide. Des doigts longs peuvent les sécher facilement. Doucement. Je suis pas si habituée que ça au champagne. SMSMSMSMSQ quand j’essaie de taper Q et M au même moment depuis le pouce jusqu’à l’auriculaire sur un clavier d’ordinateur. Injoignable et fragile, j’ai été pour un moment ma propre tasse de thé à moitié pleine.

Attrape un verre un shot. Juste une pincette comme un flirt maladroit. Check ta respiration. Sois sûrxe que ça ne cassera pas. Mon boss me donne une boîte de petits bonbons. Il y a un mot écrit sur chacun d’entre eux. J’attrape les deux premiers. Non. Bien. Ça s’appelle Tic Tac, ça fond vite, ça a le goût du temps perdu.

J’attrape un verre à pinte et je fourre quatre doigts à l’intérieur premièrement. Je sais que je peux en mettre plus, toutes les nuits j’en mets cinq. Quand ils arrivent un à un, ils n’ont pas besoin de mots et n’en veulent pas. Ils demandent à mon poing de dire bonjour et je leur donne. Un client entre dans le restaurant. Mon boss pose sa main sur mon épaule et La banque il dit en souriant. Je ne peux pas me débarrasser de son sourire qui reste sur mon visage. Gratte le fond d’un verre mais réalise que c’est de la buée. Je fourre mon poing au maximum, ça me fait sentir comme si je travaillais de l’autre côté.

Après mon temps il reste ce verre que je ne lave pas parce qu’il est trop tard. Le petit rond que je remplis d’alcool et donne au chef. Pour le trouver collant donne l’assurance aux matinaux qu’hier est fini. Je traverse la rue et prends une bière au bar. Je les regarde laver des verres. Le sourire de la serveuse colle sur mon visage, je ne peux pas vérifier que c’est de la buée. Ici tout le monde m’aime gratuitement.

Marl BrunHot wings and tenders,
éditions Burn~Août, collection 39°5, 2023
pp. 9, 40-44