Texte de lancement


Il y a un peu d’ironie à lancer cunni lingus en plein confinement, au beau milieu des distances et des internets. Alors qu’ici, tout se touche, se frictionne, se pousse, s’émulsionne, s’excite, circule, ouvre la bouche, fait des huits avec la langue, en tordant le cou. Initiée par des poètes, autrices et militantes, la revue poétique en ligne s’ouvre à des réflexions, tentatives et expérimentations littéraires sur le genre et (avec) la langue. Textes de création, extraits d’essai ou rêverie poétique, lectures la bouche ouverte… toutes propositions sont les bienvenues. Pour bouleverser l’ordre des discours dominants (patriarcal, hétéronormé, cisgenré…) aussi figés qu’excluants, chaque texte, qu’il soit théorique ou poétique, travaille, creuse, fait des trous et créé des intervalles.

Romancière et théoricienne féministe lesbienne, Monique Wittig n’a cessé de le répéter : il faut faire table rase du sens social des mots qui persistent à informer l’individu « jusqu’à la forme de son moindre muscle ». « Un travail pour éradiquer en soi ce qui reste de pensée majoritaire » l’écrit autrement Didier Eribon. « Mais que font le genre et la langue à la poésie ? » (et réciproquement). 
Cunni lingus appelle, et la formule est importante, à « se mettre en état de vigilance ». Plus qu’une attention poétique, cela nécessite de sortir des somnolences pour se tenir à l’affût de la langue, car une lutte est « sans trêve » comme l’affirmait Angela Davis.


« Elles ne disent pas que les vulves sont comme des soleils noirs dans la nuit éclatante », écrit encore Monique Wittig dans Les Guérillères, ce magnifique poème épique tout entier écrit à la troisième personne du féminin pluriel. Cunni lingus n’appelle pas seulement à choisir ses propres noms et à se débarrasser des catégories sociales et sexuelles, la revue poétique invite à mettre des mots nouveaux sur les désirs. Ouvrons grand nos bouches.


Flora Moricet